Monday, December 23, 2019

21 décembre 2019

Je sortais d'une fête arrosée dans un hôtel particulier. Titubant dans le jardin, je vois deux amies qui quittent elles aussi la soirée et commencent à prendre l'étroite ruelle à peine éclairée qui remonte vers le centre du village, et je tente de les rattraper.
Il avait plu, le sol était humide et le bitume irisé, les plaques d'égout étaient couvertes de flaques. Passant devant l'une d'elles, j'entends un sifflement étouffé et continu, mais je ne distingue rien. Mes amies se sont éloignées, le gémissement souterrain continue de se faire entendre alors que je commence à grimper la rue escarpée.
Sous mes pieds, je vois que l'asphalte abimé est troué en plusieurs endroits. A chaque fois que je passe devant une de ces fissures, j'entends la même plainte s'élever du sol. Le hululement semble à chaque fois aussi proche, comme si quelque chose me suivait sous la surface.
Peu à peu, je prends conscience qu'il y a là, en sous-sol, un deuxième "moi" qui reproduit mes pas à l'envers, faisant le même parcours dans ce monde inversé. Ou plutôt, ce n'est pas tant un "autre" que la seconde moitié de moi, nos deux corps en miroir ne formant qu'une seule entité. Mais la véritable terreur vient de la prise de conscience suivante. Ce corps duel est une coquille vide, arpentant la nuit. C'est à l'intérieur de celui-ci, à la jonction, que se trouve ce qui constitue mon "essence" (?), une boule d'éther compressée qui est la source du son que j'entends surgir du sol depuis le début de mon trajet, cri que je comprends enfin et qui dit : "Let me out !".

1er décembre 2019

C'était un monde sous-marin, toujours plongé dans une nuit bleutée.
Les maisons étaient des sortes de bulbes, ampoules inversées formant des chambres individuelles, cocons de verre meublés de coussins et de tissus à la chaleur hypocrite.
La cité vivait de ses fermes aquatiques. Des bœufs marins et des anguilles-vipères, à la tête plate, arpentaient les larges rues désertes.
J'y fréquentais une jeune femme blonde, plongée dans un silence permanent, tour à tout séductrice et cruelle. Il me semblait certain que quelque chose de très triste lui était arrivé.
J'avais été pris d'un saignement à l'index, et j'allai consulter le médecin du quartier, juste en face. C'était un cousin éloigné que toute ma famille évitait. Il m'accueillit pourtant tout sourire, dans la grange de sa ferme.
Puis il commença les soins. Après avoir discuté un peu, il m'installa sur la chaise médicale, et me planta de longues agrafes à la base des pieds. Au fond de la grange, je voyais alignés des crocs de boucher. "Vous comptez m'y suspendre par les agrafes, et me laisser me vider de mon sang ?"
Le médecin fut pris d'un rictus sinistre.
Je repartis aussitôt chez mon amie. Dans sa chambre minuscule, un cafard avait réussi à s'introduire. "Impossible de le faire sortir, dit-elle, il ne me reste qu'à le manger." Elle saisit l'insecte et l'avale sans hésiter.