Friday, September 20, 2019

3 janvier 2019

*Dans la pénombre, elle tient une sorte d’œuf ou de globe, lumière vacillante bleue et blanche ondulant comme une flamme. "Tiens, voici la Volonté", dit-elle, et elle s'approche pour me l'offrir. Je réalise alors que ce que je prenais pour son habit est en fait une silhouette pâle, grise et sèche, qui l'enveloppe et la possède. Je tends les bras d'un coup et pousse un cri bref ; le spectre s'évapore dans une brume de cendres.
*Sur la route, j'arrive à l'entrée d'un rond point quand un corps disloqué s'écrase, comme
projeté par un choc, devant les roues de ma voiture.
*Un phare bleu-nuit surmonté d'un soleil de mille épingles d'or. Tout autour, la nuit opaque est constituée d'innombrables bras tendus pointant un doigt accusateur vers la lumière.
*L'épuisement et la soif.
*Un homme souriant, assis paisiblement au soleil sur l'herbe d'un chemin de campagne surplombant des rizières. Selon l'angle d'où on le regarde, il a une tête de chien.

17 juin 2018

Je revenais d'un concert dans une friche industrielle. J'avais raté les derniers trams, il était 3h du matin et il commençait à faire étrangement jour. Après quelques dizaines de minutes de marche, je trouve un bus de nuit qui me conduit jusqu'au poste frontière.
Là, pour pouvoir passer, il faut obtenir un certificat de santé au bureau spécifique, dans une sorte de pharmacie située dans l'aéroport. Une file d'attente interminable, je me fais doubler plusieurs fois. Je reconnais parmi la foule comme aux guichets plusieurs vieux japonais rigolards, rencontrés à des concerts de Mikami Kan ou dans des bars. Ils semblent plus détendus que moi.
Quand arrive enfin mon tour, c'est trop tard : il est l'heure du repas et la pharmacie s'est changée en mauvaise cantine. On me sert un plateau de riz et de légumes tièdes à la place de mon certificat. Je dormirai là.
Le lendemain, je veux retourner à la friche voir d'autres concerts, et je pars cette fois-ci en voiture avec des amis. Mais il a beaucoup neigé pendant la nuit, la voiture déblaie un bon mètre de neige et progresse lentement. Je prends une petite route qui grimpe sec, et passe un vieux portail de fer. La pente est de plus en plus rude, on dirait plutôt une piste de ski où, je crois, je me suis déjà rendu en rêve.
En franchissant le portail, je crois que nous sommes entrés dans une réserve naturelle ; des ombres se faufilent autour de nous. Nous sommes cernés par les loups. Des loups immenses et noirs aux yeux brillants qui nous prennent en chasse, surgissant derrière chaque arbre alors que nous progressons péniblement. La voiture plonge sous la neige et glisse, creusant des tunnels pour échapper à nos chasseurs, mais ils nous pistent inlassablement et nous encerclent. Alors la voiture devient elle aussi un loup, et il (nous?) finit l'ascension de la piste en bondissant, creusant à chaque saut des trous dans la poudreuse, batifolant comme un jeune chiot fou.

10 avril 2018

Je participais à un grand jeu de rôle grandeur nature. Une sorte de jeu d'enquête, où on est envoyé dans une ville inconnue, un jeu d'identités inventées et de réalités duelles. Je résidais dans un espèce d'appartement à moitié en ruine, un peu squat. Parmi les murs détruits, un lit et une baignoire cloisonnée au centre de la pièce, un canapé usé, des fringues jetées ça et là.
J'avais remarqué lors de l'ouverture du jeu une des participantes, une fille renfermée aux cheveux noirs et courts, à l'aura de mystère. Elle me traînait autour, sans pourtant m'adresser la parole. Pendant que j'étais en ville (une ville immense et indéfinie), je vois que se tient une conférence de P. T. sur les tueurs en série. Il me parle de certains tueurs qui se mêlent au jeu auquel je participe, qui le font par spleen et solitude, et tuent pour s'oublier ou se délaisser d'une partie de leur souffrance; des assassins par désespoir, qui choisissent une proie et ne la lâchent plus ; souvent des filles...
En sortant, je remarque celle de tout à l'heure, qui tourne vers l'entrée de la salle. Comme je repars, elle se met à marcher en silence dans la même direction, et quand je rentre chez moi, fait mine de s'arrêter à la terrasse du café d'en face. Son regard fuyant est d'une tristesse insondable.
Dans ma chambre insalubre, je sais alors que je ne suis plus en sécurité. Je m'enfuis et prends un billet pour le premier train qui quitte la gare la plus proche, un vieux train à vapeur qui traverse des champs déserts pendant des heures. J'y retrouve S., qui me dit que le train va suivre le circuit des lieux qui ont inspiré son livre sur les adolescentes japonaises.
Nous arrivons bientôt au terminus, le centre de Tokyo, dont S. me dit qu'il aurait voulu l'inclure dans son livre, mais "que ça ne collait pas" : on va rarement au centre de Tokyo, les points d'attraction sont sur la périphérie. Mais l'endroit où nous arrivons ne ressemble pas beaucoup au centre que je connais. C'est une place à l'occidentale, avec d'imposants bâtiments de pierre, comme dans une capitale d'Europe de l'est. Sur l'un d'eux, les mots "Tokyo Center" en fines lettres dorées sont à moitié effacés par l'usure et la rouille. Je remarque que les bâtiments sont faits de briques rouges, comme dans une banlieue industrielle anglaise. Les rues sont étroites. Le ciel est lui aussi rouge sang, et bouché par de gigantesques ombres noires difformes.

28 août 2017 Comment je n'ai pas perdu mon chat.

Bon, on l'avait emmené dans un espèce de parcours-nature à flanc de montagne, qui faisait également parc d'attraction. C'était un endroit assez coloré, et fait pour les chats mais je sentais que le mien ne s'y plairait pas forcément (j'aurais dû écouter ce pressentiment). Bref, les chats et leurs maîtres partent ensemble à l'aventure, on emprunte des sentiers mystérieux, souvent seuls, croisant parfois d'autres visiteurs. Les chats, je ne sais pas pourquoi, devaient porter des costumes aux couleurs vives, bleus, verts ou rouges, et les humains également, formant des équipes. J'ai perdu mon chat quelque part après le toboggan à eau. Je crois qu'il n'a pas du tout aimé le toboggan à eau, et après il s'est battu avec un autre animal en combinaison rouge qui l'attendait en bas, et ils ont tous deux disparu parmi les arbres et les bosquets. Impossible de le retrouver. En plus, je ne pouvais pas vraiment continuer mes recherches : on m'interdisait de refaire un tour du parc, et j'avais de plus un avion à prendre dans l'heure, pour la Sibérie.  Je suis reparti abattu pour l'aéroport.
Heureusement que ce n'était qu'un rêve et que mon chat n'a pas vraiment disparu. Je ne lui mettrai jamais de combinaison imperméable pour l'emmener à l'aqualand, c'est promis. Par contre, un moment de frayeur au réveil. Dans le noir complet, j'ai senti la présence de quelqu'un d'autre dans mon lit. Je savais pourtant être seul. Mais il y avait quelqu'un, aucun doute : j'ai de ma main gauche touché sa tête et ses cheveux à côté de la mienne. Un tête humaine, pas de doute non plus, endormie à côté de moi. Un humain que je ne connaissais pas.
Après un moment de panique, j'ai décidé de me réveiller mieux, ou de me réveiller une seconde fois ? et j'ai enfin retrouvé ma chambre habituelle. Il était 6h du matin. J'avais probablement échoué quelques instants dans un univers parallèle, et peut-être aurai-je mieux fait de rester là-bas. Cet univers n'était pas forcément pire que le nôtre. Je ne le saurai sûrement jamais.

Wednesday, September 18, 2019

27 février 2017

Une amie m'a invité pour une séance de yoga, dans la grande maison de famille de son époux, avec qui elle ne s'entend plus très bien. Pendant que sa gamine joue sur sa tablette dans un coin, nous échangeons un baiser interdit ; honteux, je me décide à partir. Dans une petite pièce adjacente (de ce qui ressemble désormais plutôt à un manoir ou un château) se tient une étrange cérémonie, un mariage probablement. Dans une autre, encombrée de bibelots ancien, je vois se tenant immobile un petit cerf, mais aux bois immenses. Il me regarde fixement sans esquisser un mouvement.
J'hésite à prévenir quelqu'un, mais il me semble que si la bête est entrée, elle doit pouvoir ressortir, et je ne veux déranger personne. Je repars donc vers les escaliers menant au grand hall du rez-de chaussée où sont rassemblés une dizaine d'autres invités.
Le cerf se déchaîne alors, comme une bête piégée, et rue dans la foule en tentant de s'échapper. Tout le monde fuit le château en panique, la bête brise poteries et murets sur son passage, je manque de me prendre un coup de sabots.
Je me retrouve sur un sentier de forêt en compagnie d'autres fuyards. Après quelques dizaines de minutes à marcher dans la nuit, nous retrouvons une rue goudronnée. Il pleut de plus en plus.
Mes compagnons hèlent un taxi mais je continue sur un chemin incertain vers la station de métro la plus proche, trempé jusqu'à l'os. Je me réfugie dans une petite gargote de nouilles un peu sale, vide et bercée d'une faible lumière rouge. Puis je me réveille.
Dans le placard en face de mon lit, un mouvement attire mon regard. Il y a une grande peluche simiesque et grise, aux long bras pendants. C'est ça qui a bougé. Je regarde plus attentivement. Elle bouge encore. Je m'approche, incrédule : un de ses bras saisit le mien et m'agrippe fortement. La peluche a l'air de plus en plus humaine, et est prise de spasmes qui s'accentuent. Frénétique, elle me secoue et se disloque, de plus en plus violemment.
Terrorisé, j'aperçois un instant, malgré la pénombre et les tremblements, son visage. C'est le mien.

22 mars 2017

Nous sommes une foule entassée dans la rue, certains sont dénudés. Personne n'ose faire un bruit. Les maîtres de la cérémonie patrouillent, et mon amie et moi, allongés sur le sol, faisons le mort. Nul ne doit nous remarquer : le groupe qui nous commande attend la venue d'une créature nouvelle, celle qui régnera bientôt sur le monde. Il ne faut pas regarder.
Un peu plus tôt, en intérieur, j'avais vu une fille morte dans une flaque de sang. Sa tête tranchée et meurtrie reposait à côté d'elle. De sa bouche tordue d'un rictus figé poussait une longue forme jaunâtre, comme un tube organique rectangulaire gorgé de pus... La salle avait été close. Pendant la soirée, des hommes étaient entrés armés, déguisés comme pour un bal masqué. L'un d'eux a une tête de cheval.
Quand je me réveille, je réalise que je suis en fait cette amie à côté de qui j'étais allongé un peu plus tôt. J'ai l'air agitée, mais une femme s'assied sur le coin de mon lit et me réconforte, et je lui raconte tout mon rêve. Elle comprend alors que j'en sais beaucoup trop : elle tente de m'étouffer. Elle ressemble énormément à Isabelle Huppert.

9 octobre 2017

J'essayais de réserver une chambre dans un hôtel/chalet de montagne. On me donne la n°4 au rez de chaussée, avec vue sur le grand jardin extérieur. En m'y rendant, j'aperçois par la grande porte fenêtre une veste marron comme la mienne posée sur la chaise.
Je reviens à l'accueil : "Pardon, mais cette chambre semble occupée." La réceptionniste : "Ah oui, c'est la suite de M. XX, je vous avais pris pour lui. Nous n'avons plus de chambre libre, désolé."
Je vois dans le hall M.XX. C'est en quelque sorte mon doppelgänger, mais il arbore une grande moustache, a l'air très richement vêtu et est entouré de plein de femmes qui piaillent et s'esclaffent à la moindre de ses paroles.
Je peste intérieurement contre cet usurpateur, mais que faire ? En plus, je suis fauché... Je sors de l'établissement et sur la route qui descend de la montagne, je passe devant une boulangerie japonaise. Je vois qu'ils font aussi cantine et proposent des plats de légume variés. J'ai envie de tenter cette cuisine, pour changer des sandwichs du snack d'à côté. Pas moyen de trouver une place : tous les sièges sont occupés par un groupe de jeunes salarymen japonais complètement semblables l'un à l'autre, et complètement bourrés.
Vexé par ce nouvel échec, je reprends ma descente, choisissant de dévaler la colline en me laissant glisser plutôt qu'en marchant. (Nous sommes au printemps, le chemin de montagne est verdoyant et assez agréable).
Je glisse à toute vitesse. Mon chat me suit à côté. Il fait des bruits plus variés que ses deux sons habituels ("marck" et "moooh" en général), et je comprends qu'il a développé un véritable langage.
Je vois qu'il est assis sur une enveloppe épaisse (moi je ne sais plus sur quoi je suis installé pour glisser, mais le chat en tout cas a l'air à l'aise). Je lui demande ce qu'il y a dedans : "C'est le manuscrit d'une nouvelle fantastique que j'ai écrite", qu'il me répond. "C'est comme ça que King a envoyé ses premiers textes aux éditeurs, dont celui de Shining !". Nous continuons ainsi notre descente vers la ville en contrebas, grisés par le vent. Je suis assez impressionné. Je crois que mon chat est vraiment déterminé à devenir le nouveau Stephen King.

Saturday, September 14, 2019

14 mai 2015

La nuit, descendant le long des rails du tram devant le Corum, les arceaux rougeoyants dans mon dos, je commence à me demander où j'ai garé ma voiture. Je me rappelle bien l'avoir laissée dans une ruelle un peu éloignée, dans un quartier résidentiel mal éclairé. Je sais que je l'ai laissée là mais ce dont je me souviens aussi, plus étrangement, c'est de l'avoir reprise plus tard pour rentrer chez moi, de la route du retour, du disque que j'ai écouté en voiture. Alors que fais-je ici ?
Je comprends que je suis bien chez moi, et que si je suis dehors, ce n'est que dans un espèce de rêve, ou plutôt, un voyage dans le temps, quelques heures plus tôt. Cette possibilité m'émerveille, et je me dis que cela ferait une base intéressante pour plusieurs scénarios fantastiques.
Je commence alors à suivre un homme qui marche, somnambule, dans sa maison. Inconscient, il s’apprête à rejoindre sa femme dans la chambre. Son cou s'allonge et se tord de façon peu naturelle, émettant un craquement sinistre, et je crois voir des petites bouches apparaître sur ses nouvelles articulations. "Il va tuer", c'est certain, mais le saura-t-il seulement, peut-il encore faire quelque chose ou bien ceci n'est-il qu'une réminiscence d'actes ayant déjà eu lieu ?
Je me réveille enfin dans mon lit, une main dans la mienne aux ongles longs et bien taillés, et une voix féminine qui me chuchote dans l'oreille qu'elle s'inquiète pour moi. Je suis seul.

21 février 2017

Assis sur un banc dans un parc, une femme et son fils passent devant moi. J'entends leur conversation.
"On va revoir les animaux de la ferme ?" demande le gamin.
Et la mère de répondre d'un air triste "Non, tu ne reverras pas les animaux. Ils ont été dévorés par les
papillons, les papillons que nous avons vus à Paris".

(Date inconnue)

J'avais un ticket de train illimité pour une journée seulement. Pour profiter de ce jour libre, je pars toujours plus à l'est, vers les régions plus chaudes de l'archipel, en direction de la côte, prenant les premiers trains venus sans trop savoir où ils mènent...
Plus le voyage avance, moins il y a de rapides, seulement des petits trains locaux dont la fréquence se fait rare. Et les villes cèdent la place à des villages de plus en plus désertés. Les touristes, qui s'entassaient dans les rames au début de  mon périple, ont aussi disparu. Il n'y a plus que moi (nous ?) et quelques habitants du coin. A une dernière station, je commence à me demander s'il me sera possible d'effectuer le retour dans la journée. Il n'y a presque plus de trains au départ dès la fin de l'après midi...
Je suis dans une petite ville portuaire aux maisons aux murs blancs, qui reflètent le soleil. Des vieux filets de pêche sont accrochés ici et là. Il n'y a pas grand monde. Un gamin a peint une tour Eiffel branlante sur un mur, là où le village remonte un peu vers le phare.
Air de déjà-vu.
Nous ne sommes plus que tous les deux. Il faudra nous séparer de nouveau après cette balade. Elle m'avoue avoir fouillé autrefois dans mes papiers, être tombée sur une vieille note de journal intime.
"Et puis d'abord c'étaient qui ces Léa et Claire ?" me reproche-t-elle d'un air jaloux,  "une fois, tu dis les avoir vues toutes les deux dans la même journée, et qu'hormis ce que la première faisait avec sa bouche, c'était avec la seconde que tu avais passé un moment parfait".
"Je ne sais plus, à vrai dire, je ne suis même pas certain qu'elles aient existé.
Mais si je ne l'ai pas imaginée, je maudis encore souvent ma mémoire de m'avoir fait perdre sa trace. Il y a autre chose ?"
"Oui, je te volais tes cachets en secret pour les revendre à XXX et m'acheter des stillnox".
Le village est toujours aussi calme, complètement vide désormais. La lumière devient plus rase et chaude.
La nuit tombe, et je ne pourrai sûrement plus rentrer. Je suis tout seul et l'obscurité a déjà emporté le reste du monde à jamais. Seuls la colline et son phare sont encore un peu éclairés, et une partie de la mer, dernier îlots non engloutis.
La nuit se resserre.

Friday, September 13, 2019

Fragments d'une conversation perdue


1

Des paraboles et des miroirs
envoient des signaux à travers
le temps brisé
et la brume des peaux
-
La corne d’un bateau
comme un nouveau signal
prévient les navigateurs perdus ;
tout scintille
tout tournoie
-
appel des tambours et des feux
ce poids sur nos épaules
dans les vapeurs des volcans, un regard implorant les cieux
Et ce grondement, toujours,
guide à travers les enfers
les friches, les carrières
de la rouille vaincue

2

Recherche dans les lueurs
par delà la prison
au cœur des textes impurs -
un triangle de feu
-
Danse de flammes, hymnes et chants de catacombes,
c’est le visage de l’initié
qui s’embrase

3

Respire les parfums
quêtant encore dans les nuits
un simple habit entrouvert
sur un corps glabre et nu -
(la lame souple d’une mâchoire)

Et le soleil n’était pourtant
            que ce miroir qui t’épie.

                                      (retourne-toi)