Je participais à un grand jeu de rôle grandeur nature. Une sorte de jeu d'enquête, où on est envoyé dans une ville inconnue, un jeu d'identités inventées et de réalités duelles. Je résidais dans un espèce d'appartement à moitié en ruine, un peu squat. Parmi les murs détruits, un lit et une baignoire cloisonnée au centre de la pièce, un canapé usé, des fringues jetées ça et là.
J'avais remarqué lors de l'ouverture du jeu une des participantes, une fille renfermée aux cheveux noirs et courts, à l'aura de mystère. Elle me traînait autour, sans pourtant m'adresser la parole. Pendant que j'étais en ville (une ville immense et indéfinie), je vois que se tient une conférence de P. T. sur les tueurs en série. Il me parle de certains tueurs qui se mêlent au jeu auquel je participe, qui le font par spleen et solitude, et tuent pour s'oublier ou se délaisser d'une partie de leur souffrance; des assassins par désespoir, qui choisissent une proie et ne la lâchent plus ; souvent des filles...
En sortant, je remarque celle de tout à l'heure, qui tourne vers l'entrée de la salle. Comme je repars, elle se met à marcher en silence dans la même direction, et quand je rentre chez moi, fait mine de s'arrêter à la terrasse du café d'en face. Son regard fuyant est d'une tristesse insondable.
Dans ma chambre insalubre, je sais alors que je ne suis plus en sécurité. Je m'enfuis et prends un billet pour le premier train qui quitte la gare la plus proche, un vieux train à vapeur qui traverse des champs déserts pendant des heures. J'y retrouve S., qui me dit que le train va suivre le circuit des lieux qui ont inspiré son livre sur les adolescentes japonaises.
Nous arrivons bientôt au terminus, le centre de Tokyo, dont S. me dit qu'il aurait voulu l'inclure dans son livre, mais "que ça ne collait pas" : on va rarement au centre de Tokyo, les points d'attraction sont sur la périphérie. Mais l'endroit où nous arrivons ne ressemble pas beaucoup au centre que je connais. C'est une place à l'occidentale, avec d'imposants bâtiments de pierre, comme dans une capitale d'Europe de l'est. Sur l'un d'eux, les mots "Tokyo Center" en fines lettres dorées sont à moitié effacés par l'usure et la rouille. Je remarque que les bâtiments sont faits de briques rouges, comme dans une banlieue industrielle anglaise. Les rues sont étroites. Le ciel est lui aussi rouge sang, et bouché par de gigantesques ombres noires difformes.
Friday, September 20, 2019
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